27 novembre 2023

En 2050 : le secteur textile encore plus polluant ?

pollution créée par le secteur textile
C’est un article de L’Info Durable qui nous a mis la puce à l’oreille. Concrètement, à quoi ressemblera le secteur textile en 2050. Dans cette vie future, La Belle Armoire soufflera sa trentième bougie. Nous aurons tous pris quelques rides. Notre société aura significativement évolué. Et la question que tout le monde se pose est la suivante : la mode aura-t-elle réussi sa transition, ou continuera-t-elle à caracoler en tête des industries les plus polluantes ?

C’est la question centrale que tous les acteurs engagés de la mode se posent. Allons-nous réussir à nous extraire d’une industrie encore aujourd’hui dominée par les acteurs de fast-fashion ? Les consommateurs et consommatrices vont-ils massivement se détourner des vêtements de piètre qualité qui submergent le marché depuis une vingtaine d’années ? Nous en discutons avec Rachel, la fondatrice de La Belle Armoire, la boutique de vêtements de seconde main à Chambéry.


L’industrie du textile est en pleine mutation. De nouveaux modes de consommation émergent. À quoi peut-on s’attendre en 2050 ?

Deux scénarios sont envisageables, et ce sont les choix que nous faisons aujourd’hui qui détermineront l’issue. La première possibilité est la plus inquiétante. D’après les études de l’Ademe, en 2050, à l’échelle mondiale, le secteur textile pourrait émettre jusqu’à 26% des émissions globales de gaz à effet de serre. Cette réalité, totalement incompatible avec les accords de Paris, viendrait logiquement interférer avec les enjeux climatiques et les intérêts des futures générations.


De quoi ce scénario serait-il révélateur ?

Cela marquerait notre incapacité collective à repenser nos modes de consommation, à sortir du phénomène de surproduction et à revaloriser massivement les vêtements en fin de vie. Il s’agit, sur les bases et les tendances actuelles, de la voie que nous empruntons. Nous tendons vers cette réalité. Aujourd’hui, à titre indicatif, 100 milliards de vêtements sont déjà vendus chaque année dans le monde : il apparaît évident que ce chiffre doit être revu à la baisse. Nous n’avons pas besoin de produire et de consommer autant. De fait, si rien ne change, ce scénario sera inéluctable. Pourtant, cette issue peut être évitée. Ce n’est pas une fatalité.


Que faudrait-il pour éviter ce scénario peu reluisant ?

L’autre possibilité laisse à penser que nous pouvons tendre vers le mieux : une réduction significative des émissions polluantes, grâce à une production vestimentaire divisée par trois. Ce chiffre se veut bien plus qu’un objectif. Il s’agit d’une condition sine qua none pour permettre d’affronter sereinement les défis climatiques. Dans le prolongement de la prise de conscience collective que nous observons aujourd’hui, nous aurions une mode plus éthique et durable, qui se sera définitivement détournée de la fast-fashion, et qui aura adopté une nouvelle philosophie, des modèles de fabrication durables et de nouvelles matières, moins énergivores.


Quelles sont les conditions pour permettre au marché de la mode de prendre cette direction et d’adopter un modèle plus vertueux ?

L’industrie de la mode est poussée dans ses retranchements. Les modèles économiques évoluent, avec l’émergence et l’affirmation de la seconde main, de la location et du made in Europe. C’est normal. Nous sommes de plus en plus nombreux de citoyens et consommateur•rice•s à nous intéresser au sujet et à exiger autre chose. Nous devons dès lors tendre vers une économie circulaire, plus adaptée aux enjeux de notre génération. Consommer mieux. Produire moins. Capitaliser sur l’existant. De fait, cette transformation passera inévitablement par une relocalisation de la production, par une réduction significative de la production, par une préférence pour des matières écologiques et, surtout, par le développement de la seconde main.

comment éviter le gaspillage textile


Qui a la clé pour enclencher ce mouvement de fond ?

Sans équivoque, les consommateurs et les marques, avec un appui marqué des pouvoirs publics. Ce scénario optimiste se base sur une prise de conscience collective et une mobilisation générale. Nous devons repenser nos habitudes, nous prémunir des achats compulsifs et nous intéresser à l’empreinte carbone de chaque vêtement. Les marques ont le devoir de réfléchir à des modèles de production et de distribution plus vertueux, en pensant l’impact environnemental dans sa globalité : fabrication, distribution, lavage, fin de vie. Elles doivent également revoir leur modèle économique. Finies les collections incessantes et éphémères. Finis les vêtements bon marché destinés à être jetés après quelques utilisations. Place à la qualité, à la durabilité et à une fabrication responsable.


Et les pouvoirs publics, quel est leur rôle ?

Des politiques incitatives, comme celle mise en place récemment en France pour encourager la réparation de vêtements, peuvent contribuer à cette transformation, participer à la sensibilisation du grand public et pousser l’industrie à se réinventer. Pour autant, cela ne suffira pas. Il paraît nécessaire, dans le même temps, d’envisager des mesures plus restrictives pour contraindre les marques qui produisent de façon massive, à l’autre bout de la planète, sans se soucier de leur impact social et écologique. Trouver une veste à 8€ est une anormalité. Même chose pour des jeans à 10€.


En définitive, à quoi ressemblera le vêtement de demain, en 2050 ?

Sur le plan esthétique, il est toujours difficile de se projeter. La notion d’élégance évolue à travers le temps, avec des ruptures fréquentes. Pour autant, j’ai l’impression que nous allons nous concentrer, de plus en plus, sur l’utilité du vêtement, incarnée par une certaine sobriété. Nous tendons vers une originalité pondérée par la nécessité de durabilité. Dans ce cadre, de plus en plus, les consommateur•rice•s engagé•e•s vont privilégier des pièces intemporelles, fabriquées sur leur territoire à partir de matériaux de qualité.


Quel est le rôle des acteurs de la seconde main dans cette transformation ?

Parce que nous donnons une nouvelle vie aux vêtements, nous évitons de mobiliser de nouvelles ressources pour satisfaire la demande. C’est une évidence qu’il est bon de rappeler : le vêtement le plus écologique reste celui que l’on ne produit pas. Dans ce cadre, les friperies, comme La Belle Armoire, sont en effet en première ligne de cette transformation qui permettra, d’ici 2050, d’avoir une industrie de la mode vertueuse. Nous apportons une alternative crédible, rentable et durable aux consommateurs et consommatrices.

rôle des acteurs de la seconde main


Vous êtes aussi là pour sensibiliser les consommateurs et consommatrices. 

Oui, et les effets se font déjà ressentir. Nous sensibilisons et nous faisons la promotion d’une mode plus éthique. Nous contribuons dès lors à questionner l’industrie de la mode et à remodeler le marché. Sans conteste, nous sommes une partie de la solution, à condition de ne pas devenir, malgré nous, la caution utile de la fast-fashion. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui nous a poussés à refuser systématiquement de commercialiser, en seconde main, des vêtements issus de certaines marques.

Les consommateurs et consommatrices ont le pouvoir de changer les choses en privilégiant des achats éthiques. Réparer. Revendre. Acheter moins mais mieux. Voici comment se matérialise l’avenir. Les marques ont le devoir d’apporter des solutions concrètes pour produire plus intelligemment. Toute une industrie doit se réinventer. Dans ce cadre, La Belle Armoire, friperie située dans le centre-ville de Chambéry, s’inscrit comme un acteur de ce mouvement à l’échelle locale. Les boutiques de seconde main font partie de l’équation pour permettre une mode plus durable. Vous rejoignez le mouvement ?